M.-N. Jomini u.a.: Les hôpitaux vaudois

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Titel
Les hôpitaux vaudois au Moyen Age. Lausanne, Lutry, Yverdon.


Autor(en)
Jomini, Marie-Noëlle; Moser, Marie-Hélène; Rod, Yann
Erschienen
Lausanne 2005: Cahiers lausannois d'histoire médiévale
Anzahl Seiten
432 S.
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Gilbert Coutaz

Fondé sur trois mémoires d’histoire médiévale, défendus à l’Université de Lausanne entre 1997 et 1999 (professeur Agostino Paravicin Bagliani), ce volume s’impose aux chercheurs pour plusieurs raisons : il met en relation trois hôpitaux dont l’approche part de la même nature de documents et avec les mêmes objectifs, mais dont les résultats révèlent des situations individuelles à la fois originales et convergentes. Il passe par une présentation scrupuleuse du contenu et de la structure de chaque compte, replacé dans l’environnement de chaque établissement – les annexes (p. 365-411) faites de tableaux synoptiques et récapitulatifs, de graphiques, d’inventaires des comptes concernés, de cartes et de plans, d’extraits de comptes, de reproductions des documents eux-mêmes et de notices sur les monnaies et les mesures mentionnées dans la comptabilité sont riches d’informations et fournissent un matériau de comparaison utile, à l’instar des références bibliographiques empruntées aux études financières d’autres régions en Suisse et à l’étranger dont les auteurs se sont inspirés pour leurs propres recherches. Il clôture (momentanément ?) une série de travaux universitaires, commencée en 1988 avec le mémoire de licence de Cynthia Monselesan 1).

L’hôpital Notre-Dame de Lausanne (p.1-95) est cité en 1279 comme « hôpital neuf » ; il fut construit, entre 1277 et 1279, à l’initiative du chanoine Guillaume de Bourg, par le Chapitre et l’évêque de Lausanne qui en confirma la fondation en 1282 ; il fut remplacé par un nouvel hôpital, bâti entre 1766 et 1771. L’étude est faite au travers de ses plus anciens comptes, soit douze comptes complets, couvrant partiellement les années 1374 à 1398 – ils en existent encore pour la période de 1400 à 1495, et de 1522 à 1558. De l’examen de ses recettes et de ses dépenses, il ressort que le principal hôpital de Lausanne, au Moyen Age possède de nombreux terrains et immeubles, à Lausanne et dans ses environs ; les charges sont souvent plus hautes que les revenus, ses procureurs (les autorités communales se saisirent de l’administration de l’hôpital en 1528) doivent recourir au numéraire pour rétribuer le personnel. L’équilibre financier est fragile, il résulte d’une économie mixte, à la fois domaniale et monétaire.

L’hôpital Neuf de Lutry (p. 97-212), fondé en 1348 par les nobles, les bourgeois et la communauté de Lutry, est au bénéfice d’une comptabilité en grande partie conservée pour le XVe siècle, entre 1415 et 1488 ; sa gestion est indissociable du rôle de la Confrérie paroissiale du Saint-Esprit (le premier écrit la mentionne en 1307) à laquelle elle est subordonnée, si ce n’est dès sa création, du moins dès les premiers temps – dès 1427, la gestion hospitalière est intégrée à celle de la Confrérie et fait apparaître la modestie des ressources de l’établissement. L’hôpital s’inscrit logiquement dans les activités caritatives de la Confrérie dont les membres étaient souvent les conseillers et les gouverneurs de la ville de Lutry. Par ses relations avec le clergé, les nobles et bourgeois qu’elle invitait à ses réunions festives, la Confrérie joue le rôle de bailleur de fonds et mène une politique d’investissement. Elle « n’a pu ni remettre en question ni totalement se démarquer des autorités (ecclésiastiques et laïques) dont elle s’était entourée, puisqu’elle en était, d’une certaine façon, le point de convergence » (p. 212).

Quant à l’hôpital d’Yverdon (p. 213-362), fondé peu avant 1308, il est scruté sur un siècle d’activité, entre 1389 à 1493, découpé en quatre périodes par l’auteur de l’étude, Yann Rod, durant lesquelles les communes du Pays de Vaud cherchent à s’émanciper progressivement du pouvoir savoyard. De ses débuts jusqu’au milieu du xve siècle, l’hôpital d’Yverdon paraît avoir joui d’une relative autonomie de gestion. Les recteurs, nommés pour trois ans, dont les mandats purent être renouvelés dès la fin du xive siècle, développèrent au début des politiques personnelles qui furent contrariées dès la seconde moitié du xve siècle par la présence plus marquée des autorités communales dans la direction de l’hôpital et qui imposèrent d’autres formes de gestion, mieux maîtrisée et prévisionnelle. Il n’empêche que la gestion de l’hôpital reste avant tout domaniale, traduisant par là le fort ancrage de l’hôpital dans l’économie locale. Même si le compte de l’argent a pris de l’importance, l’hôpital a assuré sa pérennité par la régularité de ses revenus en nature.

De la comparaison des comptes des trois hôpitaux, de leur structure et de leurs revenus, il ressort que la comptabilité porte avant tout sur l’administration et la gestion des hôpitaux, guère sur les soins médicaux donnés aux personnes qu’ils accueillent 2). Les trois hôpitaux s’inscrivent dans une histoire économique, agricole, sociale et politique, d’autant plus présente que les hôpitaux médiévaux sont tout à la fois des lieux d’accueil pour les pauvres, les pèlerins, les mendiants, les infirmes ou les orphelins. Plus généralistes que les maladreries ou les léproseries, ils constituent des éléments essentiels de l’assistance, en distribuant de la nourriture, de l’argent et les premiers soins. Il ne fait pas de doute que ce nouveau volume des Cahiers lausannois d’histoire médiévale enrichit et illustre de manière concrète et richement documentée l’étude déjà ancienne d’Alice Briod 3).

Deux seuls regrets. La mise en perspective de la publication, et surtout l’étaiement de ses résultats auraient gagné en force si Yann Rod (il est l’auteur de l’introduction) avait mentionné l’étude, certes vieillie, de Maxime Reymond sur les confréries 4), mais contrôlée et mise à jour depuis au travers de l’étude sur les documents communaux du canton de Vaud 5). D’une part, en plus de Lausanne Lutry et Yverdon, confréries et hôpitaux se retrouvent dans les localités suivantes du Pays de Vaud avant 1536 : Aigle, Aubonne, Avenches, Les Clées, Coppet, Cossonay, Cully, Echallens, Grandson, Montreux, Morges, Moudon, Nyon, Orbe, Payerne, Rolle, Saint- Saphorin (Lavaux), La Sarraz, La Tour-de-Peilz, Vevey et Villeneuve, soit le long des routes et dans les villes importantes du Pays de Vaud. De nombreuses localités sont restées étrangères à cette double structure, voire à toute structure hospitalière, qui était la seule à prendre en charge l’indigence des habitants et à leur garantir le secours, avant l’apparition des Bourses des pauvres, au xvie siècle, avec l’arrivée des Bernois. D’autre part, des gisements documentaires et comptables, soit ceux des hôpitaux de Lucens (1401-1600) et Moudon (1379-1923) auraient mérité d’être signalés, en plus des comptes hospitaliers les plus anciens conservés dans le Pays de Vaud de l’hôpital du Vieux-Mazel, à Vevey (1355-1500), déjà partiellement exploités. La voie est désormais tracée pour des investigations complémentaires dans les fonds d’archives communales avant de tirer un bilan complet et mesuré des problèmes de l’assistance et de la santé dans le Pays de Vaud, au Moyen Age.

1) Cynthia Monselesan, Le vignoble de l’hôpital du Vieux-Mazel de Vevey, Lausanne, 1988. Une partie des résultats ont été publiés en 1991, voir note 2.

2) En ce sens, la liste des pauperes de l’Hôpital du Vieux-Mazel à Vevey est exceptionnelle, voir Jean-Daniel Morerod et Agostino Paravicini Bagliani, « Une liste des malades de l’hôpital de Vevey, 1401-1416 », dans RHV, 99, 1991, p. 79-99.

3) Alice Briod, L’assistance des pauvres dans le pays de Vaud, du commencement du Moyen Age à la fin du XVIe siècle, Lausanne, 1926, 117 p.

4) Maxime Reymond, « les confréries du Saint-Esprit au Pays de Vaud », dans Revue d’histoire ecclésiastique suisse, 1926, p. 282-301.

5) Gilbert Coutaz, avec la collaboration de Beda Kupp er, « Les sources médiévales dans les Archives communales », dans Gilbert Coutaz, Beda Kupp er, Robert Pictet, Frédéric Sardet, Panorama des Archives communales vaudoises 1401-2003, Lausanne, 2003, p. 268-289 (Bibliothèque historique vaudoise, 124). Comparer les cartes des pages 276 et 277 avec l’annexe III, p. 368, des Hôpitaux vaudois.

Citation:
Gilbert Coutaz: compte rendu de: Marie-Noëlle Jomini, Marie-Hélène Moser, Yann Rod, Les hôpitaux vaudois au Moyen Age. Lausanne, Lutry, Yverdon, Lausanne: Cahiers lausannois d'histoire médiévale, 2005, 432 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 115, 2007, p.314-316.

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Veröffentlicht am
12.05.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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